De ma fenêtre

De ma fenêtre
Toulouse, 5 juillet 2014, 21h15

lundi 10 août 2015

Les grands pins


Les grands pins accueillent
d'un tendre vert les rayons du matin,
la brise de mer fait onduler les cimes,
les branches s'agitent en guise d'adieu
à l'horizon nocturne, un cargo rejoint l'Afrique,
des oiseaux se poursuivent en criant,
jaillissent et soudain plongent dans le secret
des ombres, le sous-bois est tapissé d'aiguilles,
les agaves lancent leur première et dernière fleur,
immense plumeau tendu vers la mort,
vers un ciel que rien ne pourrait émouvoir,
mais qui tient sa revanche sur le destin,
offrande ultime au désordre de la vie,
tout là-bas, encerclée par l'eau incendiée,
la ville prépare le marché aux légumes,
les volailles battent des moignons d'ailes
dans des cagettes ficelées à la hâte,
le sable garde des traces de la nuit,
des corps jetés au sol par le désir,
de la fenêtre, je pourrais toucher un grand pin,
il tend vers moi sa ramure de peintre,
Cézanne se cache, tant d'autres, nous parlons,
ses pommes, plus denses que la philosophie,
son tremblement vaut n'importe quel poème,
il n'a ni fusil, ni hache, ni mépris,
il abrite les oiseaux, pour les protéger du soleil,
se sentir moins seul, traversé d'émotions bleues
et noires, se retrouver plein ciel, si léger,
ils se posent sur ses branches pour le consoler,
tout arbre enferme un chagrin immémorial,
si je ferme les yeux, mes mains cherchent l'air,
j'entends la sève couler vers le haut,
l'écorce accroche le sel des embruns et pleure,
de belles gouttes jaunes durcissent,
perles d'ambre à ton cou, sur tes seins, 
l'arbre est un frère, tu sais,
si j'avais sa force, je me tairais à jamais.

(10 août 2015)
Peñíscola, 10 août 2015, 10h49. ©JJMarimbert


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