De ma fenêtre

De ma fenêtre
Toulouse, 5 juillet 2014, 21h15

vendredi 14 août 2015

La tasse de café fume


La tasse de café fume et brouille l'horizon,
le soleil n'a pas dit son premier mot,
la mer est de plomb fondu, le ciel délavé
accueille les pensées, gouffre pâle et infini,
l'être s'y dilue et disparaît au moment où
un oiseau raye la vision de gauche à droite,
le café lance ses volutes, la cuillère imite
un petit troupeau traversant à gué,
lancinant aller et retour sur l'eau noire
d'un Achéron sucré pour défier la mort,
un chien aboie dans la pinède,
désœuvrement, une mouche l'agace, la faim,
l'agitation des âmes dans les abysses,
ou bien l'histoire s'enlise, le temps patine,
les doigts tapotent sur la table, tic éreintant,
rappel à l'ordre, quel ordre, entropie nulle,
il fait du silence un ennemi, de quelle guerre,
il n'y a rien, paysage de l'absence
érigée en raison d'être,
le dos ploie sous l'air frais, un oiseau,
ou le même, passe de droite à gauche,
tout s'effondre d'un coup dans un silence
de tombe vide, les pins se figent
dans l'espoir d'un sourire du ciel,
le ventre se crispe, l'attente est un leurre,
seul un pas, en avant ou de côté,
permettrait de voir ce que cache la mer,
déchirer ce bleu, sa muette beauté,
le vert tendre des pins, la roche rouge,
l'oiseau tourne au dessus du café,
se pose sur mon épaule, il parle,
mais je ne comprends rien,
je n'ai jamais rien compris,
la musique, si peu, tu le sais,
son œil me fixe en silence,
je comprends parfois le silence,
silence multicolore, joie, douceur,
silence des pas au bord de l'eau,
silence des mains, ou
silence du sable noir,
silence des paroles brûlées,
silence des bateaux à la dérive,
silence d'une bouche grand ouverte,
qui appelle mais ne le sait pas,
qui n'appelle plus, recluse,
qui crie vers le dedans, le cri tombe
au fond de la mer si bleue, si bleue,
silence du monde indifférent,
silence du matin, sans ton rire,
sans tes yeux se reflétant dans le café,
horizon brouillé, d'un coup gommé
par les premiers rayons,
me laissant flotter, agrippé à la cuillère.


(14 août 2015)
Peñíscola, 13 août 2015, 9h22. ©JJMarimbert


4 commentaires:

  1. Tout de même, l'oiseau qui se pose sur l'épaule, c'est chouette ! :)

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  2. Ah mais oui ! Tant qu'il y a un oiseau, le café peut fumer…

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  3. AH ce silence, qu'il est bruyant de tout!

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