De ma fenêtre

De ma fenêtre
Toulouse, 5 juillet 2014, 21h15

vendredi 21 août 2015

Au point du jour


Au point du jour, ce paquebot à l'ancre,
au large sous un ciel de Chine,
immobile tache de lumière
jaune et rouge posée sur l'eau,
en son ventre bouillonne le lointain,
il nargue l'orage, accroché à sa chaîne,
mais l'orage est passé, colère universelle,
il a transpercé la coque, balayé les coursives,
dévasté les cabines, les salons regorgent
de plats somptueux, de verres élégants,
les lustres se balancent encore,
mais il n'y a plus personne,
un silence noir a tué l'agitation mondaine,
la poussière des tapis suit la houle,
une musique surannée traverse les aquariums
où s'ennuient des poissons exotiques,
impénétrable mutisme saturé de cris étouffés,
les portes grincent et battent,
un air poisseux colle les rideaux aux hublots,
sur le pont, les guirlandes diffusent une triste gaité,
le chœur des mouettes dilacère les nuages,
des silhouettes glissent, que de visages ignorés,
de paroles diluées dans une séduisante légèreté,
les moteurs soudain se remettent à gronder,
il est temps de repartir, il est temps d'aimer,
porque no se puede vivir sin amar,
un horizon transparent désunit ciel et mer,
faudrait-il plonger, nager jusqu'à la côte,
s'allonger sous un grand pin, mais non,
le paquebot se réveille, en son ventre l'ailleurs,
l'air se dilate, les guirlandes sont éteintes,
inutiles décorations d'un passé effondré,
la lourde chaîne remonte lentement,
la falaise blanche s'éloigne de la terre,
çà et là des regards se croisent à nouveau,
des mots volètent et se posent
sur les nappes de basin brodé
de fleurs, de coquillages, de palmiers,
où jus d'orange, pain grillé et tasses fumantes
attendent nos rires et nos mains étonnées.

(21 août 2015)
Peñíscola, 15 août 2015, 6h57. ©JJMarimbert


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