De ma fenêtre

De ma fenêtre
Toulouse, 5 juillet 2014, 21h15

mercredi 22 juillet 2015

Cette grande maison


Cette grande maison reste à construire,
où se croisent morts et vivants,
imperturbables et droits,
le mort que chacun porte
sans jamais se reconnaître,
les yeux dans le vague,
rivés à l'horizon de brume,
dans les couloirs d'un hôtel de quartier
aux murs tapissés de portraits inconnus,
les morts n'ont que faire de ces enfantillages,
ils rêvent de paysages enfouis,
de visages inaperçus,
reviennent sur leurs pas et
fixent la beauté dans les yeux,
ils parlent enfin,
je t'avais vu, je t'ai attendue,
mais le tramway, la sonnette d'un vélo,
j'ai détourné la tête, j'ai rebroussé chemin,
la rue était déserte, alors,
les morts reprennent le fil,
ils n'arrêtent pas de lier des lambeaux,
ramassent ce qui est à terre,
se moquent de savoir si celui-ci
s'accorde avec celui-là, qu'importe,
le destin est fait de chutes ensanglantées,
puis laisser le fil bariolé dans le vent,
quelqu'un attrapera le pompon du manège,
mais les vivants, aveuglés par le sable,
touchent çà et là des mains, caressent
des corps, devinent dans les regards
des portes ouvertes, et une boule
de feu tombe au creux des entrailles,
les langues sèchent, bouches entrouvertes,
les paroles tombent sur le carrelage
du vieux café, du salon chic, trop tard,
le champagne a coulé, le piano s'est tu,
merci, merci, c'était si beau,
le visage n'est plus que souvenir,
tu peux écoper, l'eau est entrée,
et rien n'arrête l'eau, ni la pierre ni le feu,
est-ce cela, au détour d'une allée,
qui teinte le regard des statues,
ni renoncement, ni pessimisme,
je ne sais quelle lassitude pétrie d'espoir,
simple présence d'un temps révolu,
d'un lendemain voilé,
le temps n'est ni passé, ni à venir,
seul compte le rythme de tes pas,
quand, soucieux de savoir si mon être
peut affronter le vide, je t'imagine danser.

(22 juillet 2015)
Toulouse, Le Concorde, 18 juin 2015, 21h21. ©JJMarimbert


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