De ma fenêtre

De ma fenêtre
Toulouse, 5 juillet 2014, 21h15

vendredi 12 juin 2015

La nuit 93


Un oiseau de nuit s'est posé sur le garde-corps,
à l'instant, ce n'est pas un rêve, qu'annonce-t-il,
œil acéré, bec pointu, froissement d'ailes, il fait
trembler le halo du volet, ouvert en cette saison,
dans l'air chaud les cyprès retiennent son envol,
jailli d'un grenier par un vasistas cassé, il est là,
sur ses rétines se déploie la ville, le Canal brille,
la rue attend son bon plaisir, les rats se cachent,
qu'annonce-t-il, naufrage, bataille ou bel amour,
sa tête fait mille tours sur elle-même, elle hésite
à se fixer, tombola du destin, baliverne, il chasse,
gare aux imprudents, fats, égarés, naïfs, il traque,
la lumière boréale du lampadaire est mystérieuse,
ô oiseau de paix, le jour te fait fuir, et là, tu crées
l'illusion d'une présence, ne sais, de quoi, de qui,
peu importe, l'absence, un trou au fond des yeux,
ouverts ou fermés, bref, immobile et aux aguets,
il m'observe, voit-il à travers les draps, ma peau,
d'un coup le sol s'incline à peine, je ne bouge pas,
la chambre est une grotte, au cœur de la forêt, un
parfum, mousse, bois pourri, musc, champignon,
embaume étagères et bureau, les murs suintent,
le lit est couvert d'humus, il suffirait d'enjamber
les livres à terre, cette sédimentation aléatoire,
retour aux arbres immémoriaux, pour s'enfoncer
dans un tunnel de feuilles, guetter un abri absolu,
étrange image tombée du plafond, aucun n'est tel,
hors la tombe, l'oiseau bouge la tête, quel oiseau,
c'est l'ombre d'une branche ou bien, je me lève,
dans le jardin, un spot enterré projette blafards
des fantômes, des spectres nus du cinéma muet,
tout ce petit monde discute sur la façade, rien,
et j'ai soudain envie de te parler, l'air est doux.

(12 juin 2015)
Toulouse, 16 mars 2015, 7h17. ©JJMarimbert


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