De ma fenêtre

De ma fenêtre
Toulouse, 5 juillet 2014, 21h15

vendredi 20 mars 2015

La nuit 71


La nuit seule ouvre les plaies, ronge le corps,
elle traque et fouaille, m'enserre et me traîne
jusqu'à je ne sais quel recoin, être, non-être,
consentant, pantois, friand d'énigmes froides,
allumer la lampe, me lever, suffirait à chasser
le vertige, jeter sur les rayons de livres jaunes,
le bureau, des regards écorchés par la lumière,
me ferait fuir vers la porte et le couloir, lâche,
les épaules glacées, non, immobile je me laisse
balader au milieu de méconnaissables débris,
parmi lesquels, alors que le sommeil me gagne,
d'un coup de patte d'ours surprenant à revers
un poisson, la nuit fait surgir çà et là, intacts et
frétillants, un bout de vie, une scène perdue,
un tremblement étouffé, une peur immémoriale,
pourtant je n'ai rien demandé, les yeux ouverts,
j'interroge l'espace en vain, le halo pour repère,
immuable, pâle, il encadre une autre chambre,
les remous d'un paquebot en partance, un été
dans la ville étouffante, un théâtre antique,
les rideaux d'une fenêtre ondulent au soleil,
il n'y a personne, dans l'escalier on parle, qui,
je ne reconnais rien, ni l'endroit, ni les voix,
présence en creux, trompe-l'œil, il n'y a rien,
je dois mâcher un moment avant d'en extraire
la goutte d'acide tombée sur mes rétines à vif,
sur mon ventre, ma peau, cette brûlure enfouie,
tu le sais, m'empêchait de te voir, de te toucher,
d'entendre le vent dans les cyprès d'Arizona, et
les oiseaux, et le brouhaha lointain de la ville, de
fredonner un air de Nat King Cole, le jour venant.

(20 mars 2015)

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