De ma fenêtre

De ma fenêtre
Toulouse, 5 juillet 2014, 21h15

mercredi 11 mars 2015

La nuit 68


La nuit, le soleil est noir, c'est tout, si noir,
le non-être se mêle à l'être, pour tout dire,
piège, méprise, leurre, Jekyll, un enfant
de chœur qui tendrait les burettes au diable,
Tartuffe un saint de carnaval, je navigue
au jugé de rocher en rocher, sans phare,
me tourner, vers mur ou fenêtre, est vain,
je ne lâche pas, paupières en sang ou pire,
je comprends mieux Caïn, l'œil, une bête,
où se cacher, où fuir, où que j'aille je suis,
je me suis, me précède, alors dormir, non,
le moindre bruit me rappelle le monde, là,
dans la rue, sous les étoiles, en pure perte,
tout n'est plus que reflet, coin de bureau,
pâle sous-verre pris dans le halo du volet,
qui toujours luit, me nargue, plutôt moi,
les ombres sont des cantatrices étouffées,
des tragédiennes du cinéma muet, le vent
joue sa rhapsodie sur les étagères livides,
les papiers japonais de ma vie se déploient,
tout y passe, je me tiens par les cheveux,
il n'y a personne, je peux y aller franco,
nous ne sommes que tous les deux, Abel
et moi, la fosse d'orchestre cherche le la,
la nuit met en branle la grande machinerie,
cintres, porteuses, cabestans, roues de bois,
je suis sur le grill, à l'affût, lance les cordes,
les escaliers se dérobent, les fenêtres tombent,
de ma trappe, je souffle à qui mieux mieux,
je règle mes comptes, frais ou moisis, libre,
les rires sont pleins de dents, ils ricochent,
les yeux cernés de charbon fixent l'au-delà,
les pommettes poudrées simulent tout,
une métaphysique de papier mâché tisse
un monde peuplé de peurs tenaces, acides,
et, la rue étant saturée de silence, un rien,
gargouillis de tuyau ou volet grelottant, 
suffit à faire hurler les meubles, les livres,
d'ordinaire si discrets, je vide mon seau,
j'affronte la mort, rejoue la scène du crime,
seule façon de renouer avec je ne sais quoi,
le jour à venir, peut-être, apaisé, vois-tu.

(11 mars 2015)
Toulouse, Cathédrale Saint-Étienne, 11 mars 2015, 16h32. ©JJMarimbert


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