De ma fenêtre

De ma fenêtre
Toulouse, 5 juillet 2014, 21h15

samedi 14 février 2015

La nuit 60


Nuit jetée au milieu de la route,
pourquoi m'est venue cette image,
d'une petite route du Tonkin, est-ce
la lumière tamisée de la rue, pâle,
d'un jaune lavé, étalée sur le lit,
une caresse des mains, cela suffit,
ou sortant de Tanger au petit matin,
forêt d'eucalyptus que le vent d'Est
malmène, le Détroit est en furie,
les siècles s'entrechoquent sous l'eau,
colonnes et statues antiques vacillent,
au fond, dans la poussière marine,
des coques brisées luttent en vain,
dans l'indifférence des dauphins,
des bancs de sars et des daurades,
tandis qu'à Na Cham les oiseaux
se cachent, bambous et bananiers,
sur une vieille photo, arrachée d'une
page de journal, tachée de vin noir,
mais la nuit sèche tout, le vent froid
retient les dialogues des marins,
les exploits des enfants sous le feu,
je courais moi aussi dans la forêt,
et peut-être n'ai-je fait que cela,
attendant que la nuit m'emporte
une bonne fois, sans un murmure,
sur l'étagère, le petit poignard et
la tabatière sculptée, des hommes,
temple ou fumerie, une jonque part,
dans la rue j'entends l'eau couler,
je suis à deux doigts de fredonner
un air inconnu, la médina bourdonne,
je t'enlace, je ne veux rien garder,
que faire, tant de beauté répandue,
tant de luttes, de chants incertains,
nuit parfumée, sur cette petite route,
accueille-moi, je me ferai caillou.

(14 février 2015)
Tabatière en bambou, Tonkin, Na Cham, 1910. 14 février 2015, 9h24 ©JJMarimbert


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