De ma fenêtre

De ma fenêtre
Toulouse, 5 juillet 2014, 21h15

lundi 9 février 2015

La nuit 55


D'une ancienne nuit me sont restés
la lumière d'un port au couchant,
les odeurs de sardines écrasées
par les pneus de carrioles à bras,
auréolées de petites mouches noires,
un ou deux chiens flairant les arêtes,
au sol brillent des écailles dispersées,
le brouhaha des marchands de fèves,
les cris du porteur d'eau, de limonade,
la fumée des brochettes grillées
sur des kanouns de terre cuite,
des bidons coupés, jaunes, rouges,
des piles de pains ronds et d'assiettes,
tu marchais vers les terrasses bondées,
de longues tables de planches tachées
d'huile, les verres de café et de thé,
tout cela et je ne sais plus, un ciel,
tes cheveux, une course d'enfants
entre les bancs, et la mer, un reflet,
bateaux teuf-teuf, filets verts étalés,
ou bien l'ai-je inventée, cette nuit,
toutes les nuits je pars si loin, respire
à pleins poumons, les embruns volent
à travers la chambre, et je divague,
assis sur un baulard je me tais, écoute,
bois un vin fort, et tu ris, je sais bien,
des lieux si communs, pâle exotisme,
peu importe, dans la douceur de l'air
une radio crachote un air de luth,
je repense aux sardines, cageots pleins
saupoudrés de glace pilée, je marche,
je voudrais me perdre dans la ville,
ne la connais pas, elle s'efface, je crie,
j'ai dû m'assoupir, mon livre est tombé,
je me suis égaré, seul persiste, tenace,
un voile de néroli, je n'en suis pas sûr,
il y a longtemps, les oranges ont pourri,
ou bien est-ce une nuit à venir, qui sait.

(9 février 2015)

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