De ma fenêtre

De ma fenêtre
Toulouse, 5 juillet 2014, 21h15

lundi 22 décembre 2014

La nuit 29


La nuit, on a beau dire, les lieux dérivent,
l'idée du tapis volant doit venir de là,
les insomniaques sont de grands voyageurs,
et l'immobilité, la vraie, n'est connue
de personne, sauf, j'imagine, de ceux qui,
par mégarde ou malveillance criminelle,
ont été mis au tombeau avant
d'avoir rendu leur dernier souffle,
il m'arrivait, enfant, de penser à
cette situation tirée d'un film du dimanche,
et de taper taper contre le mur de ma pensée,
pour échapper au noir absolu du cercueil
plombé, ce détail me mettant hors de moi,
explosant de joie dans l'air retrouvé
par miracle, avant que l'ennui me gagne,
le meilleur moyen d'y échapper
m'ayant toujours paru être le tapis volant,
et, la nuit, je passe ainsi de lieu en lieu,
maisons, chambres d'hôtels, voitures lancées
sur des routes reconnues à la seconde,
Grande Corniche au petit matin,
journée de pêche à Saint-Jean-Cap-Ferrat,
route encombrée de camions poussiéreux,
au beau milieu d'une Espagne disparue,
chemin de gravier menant à une villa,
inondée de soleil, enfoncée dans le temps,
d'où je sors tenant contre ma hanche
un ballon dont l'odeur de caoutchouc,
soudain, me bouleverse,
je ne sens plus le contact des draps,
le poids de la couverture,
le halo de la fenêtre se déguise en
l'ombre zébrée des canisses d'un souk,
pour peu qu'au loin résonne dans la ville
quelque brouhaha de fête,
le cri d'un noceur à vélo ravive celui
du porteur d'eau agitant sa clochette,
m'abreuvant à ton visage surgi
tout sourire d'une ruelle secrète,
et je finis par me rendormir,
le regret m'effleurant que le voyage
s'achève si vite, tentant au petit jour
de le retracer, d'arracher des brins
de laine bariolés aux franges du tapis.

(22 décembre 2014)
Vue ancienne de la Médina de Fez, Porte. ©JJMarimbert


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