De ma fenêtre

De ma fenêtre
Toulouse, 5 juillet 2014, 21h15

dimanche 9 novembre 2014

L'ombre des marais (Jour, extraits)

Elle n’avait jamais vu
l’ombre
des marais. Son corps
mû par l’ouïe, ses pas
suçaient la terre gorgée
d'eau.
Elle n’avait pour tout air que les vapeurs
nocturnes, étonnée d’être
ainsi déchirée. C’est à peine si parfois
un oiseau s’ébrouait au creux d’une
boule de feuilles.
Qu’avais-tu donc à fuir
de lourd et de brûlant ?
Derrière toi tout au loin
la maison s’éteignait.
Les derniers cris gouttaient
à la pointe des branches.
Tu quittais le silence qui suit
toujours la haine
et laissait à l’oubli la tâche
d’enfouir la mort de tes pupilles
vides. 

J’imaginais ses mains. Son visage
explosait en plein ciel et
m’ouvrait à jamais la voie de sa
chaleur, de son corps
qui m’avait échappé.
Le mien, sang
exposé aux insectes,
aux fourmis,
aux cafards de toute part
courant.

Pourtant je n’avais mal
ni dehors ni dedans.
J’osais bouger mes jambes et mes bras,
pensant qu’elle rirait de me
voir ainsi,
vague chair s’arrachant
du sol.
La lumière laiteuse engluait
mon regard. 

Je m’attendais à la voir
sur le seuil. Seule,
elle se dressait sur le miroir
où le ciel s’épanche.
Son esprit glissait
tel un filet de brume pris dans
les genêts.
Je décidai de me lever
et de courir vers elle,
de l’emmener,
au fond des criques,
loin de nous sous les mers.

"Jour", extraits, éditions des Carnets du Dessert de Lune (2012)
Illustrations : Yves Budin
"Dans l'ombre des marais" (détail)



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